Le mythe des 10%

Numéro 18: 10/02/2023

Vous souvenez-vous de ces deux films récents : Limitless, avec Bradley Cooper, et Lucy, avec Scarlett Johansson ? Tous deux abordent le fait que nous n’utiliserions pas pleinement les capacités de notre cerveau. La mention « une personne moyenne utilise 10% de ses capacités cérébrales » figurait d’ailleurs sur l’affiche du film Lucy. Si seulement nous pouvions trouver un moyen d’exploiter les 90 % restants, nous pourrions considérablement améliorer notre puissance cérébrale et nos capacités psychiques ! Alors, où se cache la vérité ?

Ce célèbre mythe persiste depuis des années. Il semblerait que William James, un psychologue américain de la fin du XIXème et début du XXème siècle, et une affirmation que l’on attribue à tort à Einstein en seraient à l’origine. Quoi qu’il en soit, nombreuses sont les personnes qui croient à ce mythe, y compris dans le domaine de l’éducation. Suite à un sondage récent, on estimerait même que 46% des enseignants en sont convaincus. Une statistique légèrement inquiétante.

Mais pourquoi donc ce mythe serait-il faux ? Tout d’abord, depuis l’avènement des PET scans et des IRM, il est désormais possible d’observer l’activité cérébrale en détail. Même lorsque nous dormons, on retrouve les traces d’une activité neuronale dans l’ensemble du cerveau. Nous avons pu en cartographier toutes les régions, et chacune d’entre elles est sollicitée. Toutes ces zones activent des fonctions différentes. Il n’existe aucune partie du cerveau qui n’ait pas une fonction spécifique. Le neuroscientifique Barry Beyerstein a d’ailleurs conclu que « parmi les millions d’études réalisées sur le cerveau, personne n’a jamais trouvé de partie inexploitée ».

Ensuite, le cerveau n’a pas été épargné par la sélection naturelle. Il ne représente que 2 % de notre poids mais nécessite 20 % de notre énergie. Chez les jeunes enfants, ce chiffre peut même atteindre 50 %. La croissance et le fonctionnement du tissu cérébral sont « coûteux ». Il est peu probable que, dans notre évolution, nous ayons permis le gaspillage des ressources nécessaires pour construire et entretenir un organe aussi massivement sous-exploité.

Troisièmement, l’effet des lésions cérébrales serait bien moindre si nous n’utilisions que 10 % de notre cerveau. Il n’existe pratiquement aucune partie du cerveau qui puisse être endommagée sans perdre au moins une partie de ses fonctions. En réalité, des dommages minimes dans des zones relativement petites du cerveau peuvent avoir des conséquences dévastatrices. Le cerveau peut parfois compenser la perte de fonction grâce à la plasticité du cerveau, mais c’est l’exception plutôt que la règle. Ainsi, si nous endommageons une partie des 90% inutilisés, il ne devrait pas y avoir de déficience. Or, il y en a.

Que pouvons-nous en conclure ? Le mythe des 10 % a sûrement motivé les individus à s’efforcer à être plus créatifs et productifs, ce qui est plutôt positif. Cependant, il n’a guère contribué à décourager les millions d’entre nous qui se consolent en se disant que nous n’avons pas encore puisé dans ce vaste réservoir cérébral inutilisé. En réalité, le seul secret pour décrocher cette promotion exceptionnelle, obtenir une note incroyable au baccalauréat ou écrire un roman à succès, c’est le travail acharné !

Ian Clayton
Adjoint au Chef d'établissement - Directeur de la filière internationale

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