Club de lecture : 5ème séance et appel à contribution
Les séances du Club de lecture se tiennent le mercredi matin, une semaine sur deux, au CDI de BPR, à 08h30. Pour celles et ceux qui souhaiteraient participer sans pouvoir nous rejoindre physiquement, il est possible de nous envoyer vos comptes rendus de lecture. Nous les lirons pendant la séance et nous les publierons. Merci de nous écrire à ces adresses : yloggia@g.lwww.fis.edu.hk ou aguidevay@g.lwww.fis.edu.hk.
Club de lecture no 5
Mercredi 17 décembre 2022, CDI de BPR
Aliénor présente trois ouvrages : Le Diable au corps, de Raymond Radiguet ; L’Amant, de Marguerite Duras ; La Biographie de la faim, d’Amélie Nothomb.
Dans Le Diable au corps, la représentation de la guerre, « quatre ans de bonheur », pour le personnage principal, peut sembler paradoxale. François, à peine sorti de l’adolescence, entretient une liaison avec une femme mariée, Marthe, alors que le mari de celle-ci, Jacques, est envoyé sur le front. Ce faisant, François prend cependant le risque, lui qui est pourtant si jeune, de s’exclure de la société. La remise en cause des normes sociales fascine le lecteur, qui découvre également un auteur que l’on ne peut s’empêcher de reconnaître dans le personnage principal. Radiguet meurt en 1923, à l’âge de vingt ans. Il avait lui aussi connu une liaison amoureuse hors normes.
L’Amant, de Marguerite Duras, situe l’action dans l’Indochine coloniale. La jeune narratrice y fait la rencontre d’un riche Chinois, avec lequel elle se lie, malgré les préjugés de la colonie. Sans utiliser un langage aussi familier et cru que celui de Céline, présenté il y a quelques semaines dans ce même club de lecture, l’auteur nous interpelle par le caractère sans filtre et très direct de son récit. Au-delà de l’intrigue amoureuse scandaleuse que le roman présente, l’on peut percevoir une réflexion sur les relations interculturelles, sur les questions identitaires liées au séjour dans un pays auquel on est lié, tout en appartenant à une communauté étrangère à la majorité de la population. Le personnage principal de L’Amant, la jeune fille, est peut-être celle qui parvient le mieux à opérer une synthèse, mais elle s’est aussi aliéné la plus grande partie de la société coloniale à laquelle sa mère la destine à appartenir.
La Biographie de la faim, d’Amélie Nothomb, permet à la narratrice de raconter sa vie à travers le concept de la faim. Récit de ses vingt premières années, l’œuvre associe la métaphore de la faim avec les vicissitudes d’une existence. La faim, c’est ainsi l’envie de vivre, mais aussi la difficulté à satisfaire ses besoins tant physiques que spirituels. Entre boulimie, anorexie et alcoolisme, il faut trouver sa voie, et finalement aussi sa voix : la faim inextinguible de l’écriture est la voie que choisit un écrivain pour exister.
Elise a choisi quant à elle L’Autre à distance, d’Anne Muxel. La pandémie de Covid a changé nos manières d’agir avec les autres. Le livre aborde les impacts de ces changements à long terme. Le texte fait partie d’une sélection comprenant également Ecrire au Président. Enquête sur le guichet de l’Elysée de Julien Fretel et Michel Offerté ; La Banque providence d’Eric Monnet ; Un pognon de dingue mais pour qui ? L’argent de la pandémie, de Maxime Combes et Olivier Petitjean ; Comprendre la bourse avec Captain Economics, de Thomas Renault ; L’Atlas Molière de Clara Dealberto, Jules Grandin et Christophe Schuwey ; Gilets jaunes, la révolte des budgets contraints, de Pierre Blavier ; L’animal et la mort – Chasses, modernité et crise du sauvage de Charles Stépanoff.
Mme Guidevay présente Maus, d’Art Spiegelman. Ce roman graphique raconte l’histoire d’un couple de survivants de la Shoah, à travers le récit du fils. Les va-et-vient entre New York, à notre époque, et les années 40, permettent, en plus du récit de l’horreur des camps d’extermination, d’évoquer la relation entre le père et le fils, celui qui transmet et celui qui s’approprie une histoire familiale. Le récit graphique de Spiegelman associe les principaux protagonistes de la Shoah à des animaux symboliques, les souris représentant les Juifs et les chats symbolisant les Nazis.
Cette œuvre se place dans la lignée de ces textes si importants qui ont raconté l’horreur concentrationnaire et la mécanique déshumanisante du génocide. Les membres du Club de lecture évoquent tour à tour Si c’est un homme, de Primo Levi ; Le Tatoueur d’Auschwitz de Heather Morris ; La Nuit, d’Elie Wiesel ; Irena bande dessinée présentant le personnage d’Irena Sendlerowa, résistante et militante polonaise ; ou Le Choix de Sophie, de William Styron, roman dans lequel une mère doit choisir lequel de ses deux enfants mourra gazé et lequel aura peut-être la possibilité de survivre dans un camp de concentration.
Paloma évoque ensuite sa lecture de Chanson douce, de Leïla Slimani. Le lecteur est interpellé par la toute première phrase : « le bébé est mort », un peu à la manière de « Aujourd’hui maman est morte » dans L’Etranger de Camus. La nourrice, Louise, a tué l’enfant dont elle avait la garde. Tout avait pourtant bien commencé, puisque l’embauche de Louise permettait à la mère, Myriam, de reprendre son travail d’avocate. Perturbé, le lecteur est amené à mieux comprendre les raisons profondes de l’acte commis par la nourrice, sans pouvoir non plus l’accepter et l’excuser. Le roman pose la question des rapports de classe vexatoires, mais aussi de la folie meurtrière incompréhensible. Quels sont les ressorts profonds de cette nounou meurtrière ? Dans une ville où les « helpers » sont omniprésentes, ce livre n’a pas manqué de faire réfléchir les membres du Club de lecture. Entre justifications économiques ou humanitaires, et questionnement sur le statut de ces employés de maison, les arguments échangés ne font que renforcer cette impression de faire face à une forme d’énigme. Qui sont-ils, qui sont-elles, et qui sommes-nous pour eux et elles ?
M. Loggia présente un deuxième roman d’Albert Memmi, Agar, après avoir déjà évoqué La Statue de sel. Dans Agar, les personnages principaux sont un médecin tunisien ayant étudié en France et son épouse rencontrée pendant ses études. Le couple décide de venir s’installer à Tunis, et de se rapprocher de la famille du mari. Les coutumes familiales deviennent très vite un carcan et une force hostile pour Marie, la jeune épouse. Les règles de leur religion imposent par exemple un mariage religieux ou la circoncision pour leur enfant, ce à quoi ils se refusent tous les deux, dans un premier temps, avant que cela ne devienne un sujet de discorde au sein du couple. Le roman pose une question brûlante : dans ce contexte de la Tunisie sous protectorat français, peut-on être un juif tunisien et marié avec une Française catholique ? Quelles sont, plus généralement, les chances de réussite des métissages culturels ? Les discussions entraînent les participants du Club de lecture à évoquer les situations personnelles qu’ils connaissent, à Hong-Kong, ou les chansons et le roman Petit pays, de Gaël Faye.
Les séances du Club de lecture se tiennent le mercredi matin, une semaine sur deux, au CDI de BPR, à 08h30. Pour celles et ceux qui souhaiteraient participer sans pouvoir nous rejoindre physiquement, il est possible de nous envoyer vos comptes rendus de lecture. Nous les lirons pendant la séance et nous les publierons. Merci de nous écrire à ces adresses : yloggia@g.lwww.fis.edu.hk ou aguidevay@g.lwww.fis.edu.hk.