Un retour d’information opportun, ciblé et efficace
La semaine dernière, nous avons parlé à nouveau de l’évaluation mais aussi de l’importance du feedback, que l’on traduit souvent en français par retour d’information ou rétroaction. Il a également été établi une différence entre feedback immédiat et feedback d’autopsie. Mais comment procurer un tel feedback ? La réponse est d’autant moins évidente que la correction des copies est particulièrement chronophage. Comment alors apporter des rétroactions sinon en temps réel du moins en évitant que le fameux feedback d’autopsie n’arrive trop tard ?
On pourrait répondre à cette question en un développement qui occuperait les 110 prochains bulletins, mais bornons-nous à proposer trois recommandations.
La première est toute simple, et nous l’avons mentionnée précédemment. Le feedback arrive trop tard parce que la copie est notée et que précisément la note écrase le commentaire en ceci que la réaction de l’élève ne lui permet pas d’être réceptif à la rétroaction. Dès lors, en éliminant la note ou du moins en la différant, vous rendez à la rétroaction son pouvoir, celui d’avertir l’élève que certaines corrections doivent être faites, car le problème est souvent là : l’élève ne s’aperçoit de son erreur que trop tard au moment où on la lui signale. De ce point de vue, on peut proposer après une évaluation une correction ou des réexplications. Ensuite, les copies sont remises et on laisse un temps aux élèves pour corriger les erreurs en complétant en vert (scénario proposé dans l’ouvrage Différencier son enseignement au collège et au lycée écrit sous la direction de Frédéric Bablon). On peut aussi proposer aux élèves de recommencer plusieurs fois le même travail, de l’améliorer et donc de progresser (on pourra alors réduire le nombre de devoirs pour mettre l’accent sur la qualité plus que la quantité).
Dans Faire collectif pour apprendre, Laurent Reynaud propose une évaluation reposant sur un simple code couleur, dépourvue de tout commentaire. Cela force les élèves à chercher et à s’entraider pour comprendre leurs erreurs :
« Si les élèves qui ont un rond vert sur leur copie ne s’inquiètent pas, les autres s’activent pour comprendre leur couleur et améliorer leur travail. Ils se tournent vers leurs camarades qui ont une couleur supérieure à la leur ou bien ouvrent leurs classeurs. Ils n’ont pas d’annotations sur la copie, cela rend nécessaire les interactions pour comparer leur propre production à celle des autres. »
L’auteur propose d’autres exemples de collaboration. On peut, par exemple, soumettre les travaux d’élèves à la critique. De fait, il est primordial de définir ce qu’est la critique et de veiller à ce qu’elle soit constructive. À cet effet, on proposera une typologie des retours :
| Retour destructeur | Retour Positif | Retour constructif |
| « Ça ne vaut rien, c’est nul, j’ai rien compris » | « C’était super, t’es génial, t’as beaucoup travaillé. » | « Tu expliques très bien mais je n’ai pas tout compris, tu pourrais donner plus d’exemples et répondre à nos questions. » |
Selon Catlin Tucker (The Complete guide to blended learning), un retour d’information efficace est opportun, ciblé et exploitable.
- Le premier problème du retour d’information traditionnel est que les enseignants emportent généralement le travail de l’élève à la maison pour donner ce retour d’information. Ce n’est pas quelque chose qu’ils font habituellement avec les élèves en classe. Il n’est donc pas, dit-elle, opportun (le mot employé est en fait « timely » que je traduis un peu maladroitement par « opportun »).
- Deuxièmement, le retour d’information traditionnel se concentre souvent sur des détails. Vous devez identifier un aspect de la performance de l’élève et fournir un feedback sur ce seul élément, sans submerger les élèves de trop de commentaires. De cette façon, les élèves peuvent se concentrer sur l’amélioration ou un ajustement spécifique.
- Enfin, les enseignants fournissent traditionnellement des commentaires sur des produits finis, ce qui n’incite pas les élèves à faire quoi que ce soit avec ces commentaires.
En somme, il s’agit de donner le feedback en classe et non à la maison sur un travail en cours d’élaboration et non achevé. Le temps consacré à ce feedback est limité et doit être ciblé. L’enseignant fait alors un choix. Il ou elle se concentre sur un aspect du travail à améliorer et explique clairement qu’on n’essaye pas de corriger toutes les erreurs, mais qu’au contraire, on identifie un point permettant de progresser.



